La Fibre Littéraire

Nous savons tous que dort en vous un écrivain caché ! Si !
Alors voilà, petit jeu sur la méthode du "cadavre exquis" : L'un commence une histoire (qq lignes), relayé par un autre etc...
Laissons courrir nos doigts sur le clavier, et voyons où ça nous mène ! (ça me rappelle un autre jeu... )

Pour débuter, je me suis permis de récupérer un essai de notre 13,5%Vol. national !

A nous de jouer !

Je disais donc, d'après le DidoXIII :

"1932.

L'automne avait raflé les feuilles des arbres comme le gang KST avait raflé toutes les filles de joie de Chicago.
Le Frenchie avait ses entrées aux docks du port, rien ne transitait sur le lac Michigan sans qu'une balance ne lui raconte l'affaire dans les détails. La cuillère du Frenchie était connue et reconnue pour en avoir refroidi plus d'un.


Ce soir était particulier, ça sentait le gros coup, ça sentait le RHUM !


Les Irlandais faisaient d'habitude dans l'alcool classique, mais ils s'étaient écartés des sentiers battus pour mettre main basse sur de l'exotique. Ce soir cette marchandise allait encore changer de mains, foi de gangster!


Matéo belle gueule avait disposé ses filles en bon maquereau qu'il était, elles commençaient déjà à « besogner » les dockers irlandais. Tonio le balafré faisait son boulot, lui aussi, mains gantées de noir. Elles s'exécutaient avec une de ses armes favorites, la lanière de cuir. À quoi étaient dus les derniers mouvements involontaires des dockers? Au travail des filles de Matéo ou celui des mains de Tonio? Nul ne le sait mais c'est avec un sadisme non dissimulé que l'étrangleur ressentait les derniers soubresauts de ses victimes.
Riton-la-Fouine, en bon boss, avait planifié l'évacuation des 13 tonneaux. Les camions emporteraient rapidement les futs vers une destination secrète où ils couleront à flot pour toute une nuit de débauche.

Secrète....la destination devait l'être...mais déjà des bruits courraient qu'il y avait une taupe dans le système.

Les affreux se disaient que du coup,c'était l'occasion rêvée de savoir qui serait l'heureux élu de la prochaine mise à mort dans les règles de l'art : d'abord,passé à tabac,puis tiré accroché derrière la vieille FORD T du Tonio qui aimait ces ballades "buccoliques" comme il les nommait.

Le Frenchie,lui ,connaissait tout ce qui se passait sur le port...et là...mystère...il ne savait pas??

Même Riton en était abusé...mais rien ne devait arrêter la transaction...ni les suspicions,ni même les quelque flics pas encore corrompus...mais qui n'allaient pas tarder à l'être ,foi de Riton...

Mais déjà les moteurs des vieux camions vrombissaient....

A peine installé dans la contre-allée, le long du Quai 23, les lascars du Frenchie faisaient le nécessaire pour s'activer et transbahuter la "marchandise" entre le cargo et les camions.

Tu penses ! A cette période de Prohibition, 13 tonneaux du meilleur rhum non-frelaté en provenance directe de l'autre bout du monde... pas celui des Antilles de moindre qualité, non ! celui-là venait de la Réunion. Le Frenchie et Riton-la-Fouine avaient une combine d'import-export... encore une ! Une de celles qui sont passées dans les règles de l'art, avec une grande poignée de mains, les yeux dans les yeux... et malheur à celui qui trahissait son engagement ! Matéo Belle Gueule ou le Balafré auraient sur lui un rapide mais fructueux contrat.

Les manoeuvres de chargement se faisaient par cette nuit sans lune, et les observateurs ne pouvaient voir que des silhouettes en mouvement sur les bords du lac Michighan.

Mais ce qui allait arriver allait en surprendre plus d'un !

Les 13 tonneaux chargés, les camions démarrèrent,lentement,comme le font ceux qui seraient remplis d'un lot de NITROGLYCERINE...

Le chemin était tracé depuis l'avant-veille par Riton : "passé le quai 23,prendre sur la droite et longer les halles des charbonniers,appelées comme ça car elles contenaient il y a encore peu des tonnes de houilles..puis de suite ,allée qui mène direct au quai 8,celui qui indique la sortie."

Mais là,sans que personne ne sache pourquoi,ni même le Tonio qui suivait le 2° camion, le camion qui ouvrait le convoi pris à gauche,direction le bureau des douanes....

Les choses allaient donc se gâter ......

Il fallait réagir vite !
Les "archers du roi" avaient leur bureau à une centaine de mètres du carrefour, et ils marquaient la seule et unique issue des docks du côté Est.
Riton avait beau avoir graissé la patte à quelques zelés fonctionnaires pour qu'ils détournent les yeux ce soir-là sur des activités inhabituelles du quai 23, de là à aller les narguer juste devant leur bocal, il y avait un grand pas qui était en train de se franchir à 60 à l'heure à bord de ces camions, chargés à ras bord d'un Rhum prohibé.
C'est bien simple, s'ils se faisaient goaler, tous les gratte-bavoirs d'avocats de la Famille pourraient se réunir jusqu'à la Saint-Glinglin pour les sortir de tôle !
Tonio le Balafré le savait parfaitement, et ses dernières séquelles de son passage au trou commençaient à le chatouiller tout à coup. Mais que faire ? Comment arrêter ce damné camion avant le poste de douane ? Et surtout comment l'arrêter sans attirer l'attention ? La situation devenait critique.

Le Frenchie, et Riton-la-fouine qui avaient observé les chargements s'éloigner depuis les docks avaient tout de suite percutté, en voyant le convoi tourner à gauche !

Il y avait une chose de sûre... la nuit ne faisait que commencer !

Réagir vite...trés vite même. Le Frenchie et Riton-la-fouine en avaient l'habitude. Mais là,dans une pénombre dûe à l'absence de la lune,les cartes semblaient mal distribuées.

Le Frenchie grimpa sur sa moto achetée il y a peu dans un stock de l'armée américaine. Le port,il le connaissait comme sa poche et en quelques secondes il se trouva devant le poste de douane,bien avant l'arrivée du premier camion.

Il eu l'idée folle de faire passer le convoi à travers les halles situées à à peine 30 mètres des bureaux douaniers...où quelques lumières s'allumaient déjà en réponse aux bruits mêmes étouffés des moteurs.

Tonio,qui occupait la 30 place du convoi compris de suite qu'il faudrait faire diversion...il déboita sur sa gauche et se mit à klaxonner.

Ce qui devait arriver arriva...les premiers représentants des dites "autorités douanières" pointaient leur nez à peien armés de leur arme de service : ces bon vieux "Colts" de la manufacture d'arme de Détroit...

Dans les camions,les affreux , eux, engrainés les camemberts ...mais ces calendos là ne coulait pas de lait,ils écoulait plutôt des pions de calibre "3.56 parabellum"..

Les dés étaient donc jetés se disaient Riton-la-fouine et le Frenchie...le tout étant de savoir à quel point ils étaient pipés...

Tenter le rapport de force direct avec les administrations portuaires aurait pu se montrer favorable, à condition que le nombre d'agents présents sur place ne soit pas trop important... à cette heure de la nuit, ce serait sans doute le cas.
Le problème étant que tenter ce coup de force sonnerait le glas de toute éventuelle poursuite de ce traffic qui s'averait plus que juteux !

En effet, à cette période des années 30, le Gang du Kracking n'avait pas besoin d'asseoir sa réputation sur la place de Chicago, mais il perdait de vitesse par rapport aux cartels Irlandais et à ces maudits Chinois, toujours cul-et-chemise avec les flics.
Qui plus est, les pouffes installées sur le marché récemment par Mattéo Belle Gueule s'étaient montrées plus que décevantes, à tel point qu'on se demandait si elles n'étaient pas victimes d'intimidations chinoises !
Il fallait donc diversifié ses sources de recettes. C'est pour ça que l'idée de mettre un combine portuairo-alcoolique était si importante pour la Famille. Et c'est pour ça qu'il ne devait, qu'il ne pouvait pas y avoir de bug pour la Première !

Tout avait été calculé à la seconde pres ! Qu'est-ce qu'il lui avait pris à ce chauffeur ? Pas de doute possible, une taupe des Irlandais, y avait que ça ! Ce qui était certain aussi, c'est que le soleil qui allait se lever d'ici quelques heures serait le dernier que verrait ce fils de belette ! Riton voyait déjà le Frenchie ou le Balafré s'occuper de lui, à la mode calabraise... petit à petit !

Mais d'abord, il leur fallait se sortir de cette merdasse ! Pas grand monde aurait pu se douter à ce moment-là que le salut allait venir de Jojo-la-Béquille, et de sa défourailleuse ! Héé si ! Lui et Mattéo Belle Gueule avait bravé les consignes et avaient tenu à être témoins de cette première.
Aussi vifs que le Frenchie, ils avaient eu la même idée : les Halles...

Heureusement,le Frenchie se fit assez convaincant,et le camion de tête,qui était donc à coup sûr conduit par LA taupe,virait dans un crissement de pneus vers la droite,l'entrée de la halle de sortie.

A cette manoeuvre,les quelque 7 pauvres agents des douanes se sentirent comme dépourvus...mais tentèrent quand même un "assaut" ,vite ressenti d'abord par le Frenchie,aux avants-postes,et trés vite relayé par Jojo-la-Béquille et Mattéo-belle-gueule qui avaient sorti l'artillerie lourde,juste à l'entrée des halles.

Le crépitement des pions masquait largement les quelques coup de semonce des douaniers,qui trés vite se firent mettre au tapis....

On entendait encore leur supplication,lorsque Jojo-la-béquille et Mattéo-belle-gueule s'approchèrent d'eux pour le coup de grâce: une balle dans la nuque des 3 derniers "résistants" de cette nuit rouge-sang...honneur rendu uniquement à ceux qui ont combattu avec foi,selon les principes ancestraux de la "cosa nostra"...

Peine perdue cette fois pour la justice des hommes...et maintenant,s'occuper de cet enfant de salaud de chauffeur,celui du premier camion,escorté de trés prés par le Frenchie sur sa moto,pendant que Jojo-la-béquille et Mattéo-belle-gueule remballait le matos,savourant leur Havane...

Ce qui était certain, c'est qu'à ce moment de la nuit, et avec ce qu'on nommerait désormais le "carnage des Halles", il était impossible de régler cette affaire séance tenante, aux abords des docks. Toute la zone grouillerait dans peu de temps de ce qui reste d'uniformes dans cette partie de la ville... et de ces autres scribouillards de journaleux.

Le convoi avait déjà atteind l'autre côté de Goose Island, et s'apprétait à tourner à droite, dans North Crosby Street. Le Frenchie menait la danse avec sa guimbarde 4 cylindres en V, et avait bien fait comprendre à la bleusaille qui conduisait le camion de tête que s'il n'opérait pas, il n'aurait pas l'occasion d'essayer de s'excuser et de se justifier auprès du patron... une bastos de 7.65 au milieu du front. C'était la signature du Frenchie. On ne discuterait qu'après.

De son côté, Tonio le Balafré cloturait la marche forcée du convoi. Il veillait à tout écart, et se tenait prèt à parer à toute éventualité. Son intervention modeste du carnage des halles lui restait en travers de la gorge. Lui, le Balafré, réduit au simple rôle de figurant apportant une modeste diversion, par coups de klaxon, qui plus est !!! C'était le monde à l'envers. Il ne manquerait pas l'occasion de faire payer cette humiliation à cette pourriture de taupe qui avait essayé de les rouler dans la farine !

Pendant ce temps, Jojo-la-Béquille et Mattéo Belle-Gueule avaient nettoyé la place, et s'éclipsèrent des halles en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
Leur Ford roulait à tout berzingue. Ils avaient choisi de brouiller les pistes en laissant un maximum de traces dans la direction opposée, en partant vers l'Ouest, sur l'West Divison Street. De là, sans tortiller, ils bifurqueraient discrétos sur North Milwaukee et West Chicago Avenues, et rejoindraient les autres au point convenu.
Leur intervention brillante et efficace leur éviterait une remontée de bretelles à 12 bars de la part du Boss qui n'appréciait pas la prise de risques inutile.

Après une bonne vingtaine de minutes de route, sillonant le centre de Chicago, ils étaient arrivés au coin entre South Indian Avenue et la 15th East Place, face à la voie ferrée. Là, ils se parquèrent et attendaient les autres qui, à bord du convoi, avaient sans doute dû faire le détour par les bords du Lac, par les Lake Shore Drives, pour éviter les embrouilles.

Il y en avait déjà assez eu ce soir !

Ce qu'ils n'avaient pas vu, c'est qu'après leur arrivée, depuis l'autre bout de la place, une Cadillac avait mis le contact, et se rapprochait d'eux lentement, tous feux éteints. Une fois à leur hauteur, la Cadillac stoppa. La vitre arrière s'abaissa, laissant s'échapper une bouffée de cigare. Nul doute : Riton la Fouine avait pris les devants, et ne comptait pas laisser filer l'affaire. Mattéo et Jo ne connaissaient que trop bien cette expression, et ces contractions de mâchoires... Cette taupe d'Irlandais allait devoir s'accrocher à son slip, et foi de Calabrais, personne n'aurait voulu être à sa place ce soir !

En réaction immédiate, Mattéo abaissait sa vitre côté conducteur :

"- Patron !?
- Son blaze ! Son boss !"

La discussion avait été expéditive. Pas la peine d'en rajouter. La Cadillac repartit de manière aussi feutrée qu'elle était arrivée, alors que Mattéo refermait sa vitre en regardant Jo. Tous deux savaient ce qu'il leur restait à faire. Ils opéreraient dès l'arrivée des camions aux abords de l'entrepôt du Gang.




La nuit était fraîche mais belle pour un début novembre. Pas un nuage dans le ciel étoilé. Pas de Lune non plus. Elle avait disparu comme ce Rhum aurait dû disparaître... sans faire de vague, comme par enchantement, conséquence d'une stratégie bien ficelée. Au lieu de ça, ça avait lamentablement foiré au moment au ce fils de belette, sans doute à la solde des Irlandais, avait essayé de les doubler.

Quoi qu'il en soit, Riton n'en doutait pas, il n'allait pas tarder à savoir exactement qui tirait les ficelles de cette entourloupe foireuse. Il avait confiance dans les divers moyens de persuasion de sa "garde rapprochée".

La Cadillac avait à peine fait le tour du paté de maison, pour se retrouver au pied des bureaux de la Famille, au coin de South Prairie Avenue et de East 15th Place. Les vrombissements des camions commençaient à se faire entendre... ils arrivaient.

Les bureaux du Gang étaient bien situés... stratégiquement, au regard des activités familiales. Un peu au sud du Centre de Chicago, tout proche de nombreux noeuds de communications : voies ferrées, highway 41 "South Lake Shore Drive", mais aussi le nouveau port de plaisance qui venait de voir le jour à quelques encablures de là.
Mieux encore, pour des raisons de couvertures, le bâtiment en angle pouvait bénéficier de deux adresses : 142, east 15th Place et 911, south Prairie avenue. Si on ajoute à ça la sortie donnant sur la cour intérieure, il ne pouvait y avoir meilleure situation pour des "locaux de travail".
Et du travail, il y en avait eu depuis que le KST avait fait main-basse sur ce secteur de la ville, remplaçant le foutoir ancestral par un cadre bien monté d'établissements lucratifs en tous genres, et de divers commerces ou prestations.
Certes, les activités n'étaient pas toujours très légales, loin s'en faut. Mais les "archers du roi" de la ville avaient pris l'habitude de fermer les yeux... pas seulement parce qu'ils avaient la patte graissée régulièrement. Ces quelques baqshishs étaient de la poudre aux yeux. Non, depuis ces quelques années, la vermine et autre petites frappes de bas étage avait disparu de ce secteur de la ville. Soit ils se pliaient au fonctionnement du gang, et ils y trouveraient leur compte, soit ils dégageaient... les pieds devant, en général.
Ainsi, tout le secteur était dirigé depuis ces locaux. Dans le langage commun, c'était devenu l'Evêché. Le point névralgique d'une foi en la possibilité pour le commun de mortels de réussir. Réussir, à condition de s'assoir parfois sur certains scrupules, mais jamais sur ses principes.



Avec l'arrivée des camions, cette fin de nuit allait encore illustrer le posage de fion sur certains scrupules.
La réussite et la mainmise sur South-Chicago exigeait ce prix.

A peine les moteurs des camions étaient-ils stoppés que Jo et Mattéo s'approchèrent du premier véhicule toujours surveillé de prés par Tonio.



Jo "accueilla" le traitre par un direct à la machoire et le fit trainer par les pieds jusqu'à un petit local trés bien insonorisé nommé "le bureau des investigations"...surement pour rendre "hommage " aux autorités locales !!



On entendait le bruit sourd des derniers tonneaux de rhum qui défilaient le long des couloirs de l' "évêché " ...



"Ton nom enfant de salaud" dit Jo en assénant un vilain crochet dans les côtes du traitre,vieux rituel lui rappelant les combats de boxe amateurs .

"Et magne toi le train si tu ne veux pas que je te livre à mon ami Tonio!!"



Ce même Tonio qui depuis le début de la combine ne décolérait pas de s'être fait mettre un bémol par la tournure des événements...



-"Mc Enzie...Rick Mc Enzie,lâcha dans un étrange mélange de
larmes de salive et de sang celui qui ne se faisait plus aucune
illusion sur son avenir trés proche...



Le blaze suffirait donc...il n'y avait donc plus aucun doute sur ce qui
ne semblait déjà plus n'être qu'un secret de Polichinelle.



Le commanditaire de ce fiasco de paccotille n'était autre que Peter O'Sullivan,dit l' IRLANDAIS " ,le résident de Pacific Avenue qui ne voulait donc plus se contenter du peu lucratif traffic d'art...



Seulement,personne n'avait encore osé se frotter à Riton-la -fouine et sa famille depuis des lustres,et ça, O'Sullivan allait trés vite s'en souvenir...



Mais déjà Tonio se gantait de nouveau en s'approchant de celui dont il fut dit qu'il ne reverrait donc pas le jour se lever ....

Il s'était promis de tout faire payer à cette Belette. Tout !
Le merdoyage du plan du boss -il allait encore être d'une humeur execrable pendant des semaines- mais aussi et surtout sa mise à l'écart forcée de la baston des halles.

Tonio tenait ça de sa grand'mère paternelle. Une Matriarche de Botricello, au fin fond sud de la Calabre. Comme elle, là où ça bardait, il fallait qu'il soit là... en première ligne, à distribuer les coups-de-12 et à sortir la boîte-à-baffes.

Mc Kenzie, devenu pour tous "la Belette" était en train de faire dans son futal, en voyant Tonio se rapprocher de lui, avec ce regard de prédateur furax du Quaternaire. Depuis que les futs avaient été mis en sécurité, les battements de son palpitant comblaient le silence du "bureau des investigations". Il allait y passer, c'était clair... Restait à savoir comment !

Tonio, en bon Calabrais, avait sorti son schlasse. Jo, qui avait obtenu les infos demandées par le boss, n'avait pas spécialement envie d'assister au spectacle.
En plus, il savait qu'une fois terminé, il y aurait "balade bucolique" pour se débarrasser du cadavre de la Belette à l'autre bout de la ville... au hasard, du côté de Franklin Park, aux abords de Pacific Avenue... Mettre au défi les Irlandais de faire passer pour un suicide, le décès de la Belette, tabassé, planté et "terminé" avec un 3.56 parabellum dans la nuque... on verrait bien si O'Sullivan et sa troupe de rouquins en auraient dans le pantalon !


Mais au moment où il ouvrit la porte pour laisser Tonio le Balafré vaquer à ses occupations, Jo tomba nez-à-nez avec Gina ! LA Gina.

Gina n'était pas une poule habituelle. Encore moins une fille de joie de Mattéo Belle Gueule... c'était la nièce du patron ! Une de ces bombasses que tu reluques autant que tu veux, mais que tu ne toucheras jamais, sous peine de ne plus jamais rien toucher de ta vie... ou alors en demandant la permission deux octaves plus haut !

Gina entra d'un pas décidé dans ce réduit où la sauvagerie cotoyait la l'élégance et la finesse, comme aimait le raconter Tonio.

Un instant le doute s'empara des deux hommes de mains, mais bien vite ils reprirent leurs esprits. Tonio jeta un sac sur la tête le l'infortuné qui se disait le Balafré, aurait au moins vu le plus bel ange de Chicago avant de mourir, tandis que Jo tentait de s'interposer avec un "Mademoiselle", qui s'il était faible, n'en était pas moins autoritaire.

Mais ils n'étaient pas au bout de leurs surprises, car Gina écarta fermement Jo-La-Béquille pour se jeter au cou de Mc Kenzie en hurlant "laissez-le bande de brutes !"

Tonio sentait la sueur couler sur son échine. Cette situation sentait le frelaté où il ne s'appelait plus le Balafré. Il voyait déjà sa proie lui passer sous le nez, et après les évènements de cette nuit, il aurait du mal à s'en remettre. Il fallait agir.

Jo-la-béquille avait lui aussi senti l'urgence de la situation, c'était le moment délicat où risquait de se rompre cet équilibre instable entre le respect de Tonio pour son boss et sa folie meurtrière qui criait sa soif de sang. Jo sentait son comparse prêt à craquer et à faire une folie qui pourrait les amener tous deux à partager le repas froid des poissons de l'East-Rvier.

Pendant quelques secondes qui parurent une éternité, Jo pour la première fois depuis son enfance et ses premières armes en tant qu'enfant de coeur, pria pour un miracle qui ne venait pas. Et tout se précipita...

Prier pour qui...prier pour quoi ??? Jo ne savait plus,sauf que si il fallait prier,ce n'était juste que pour le Riton ne sache rien de ce qui se passait dans ces murs...au sein même de l' "évêché".



Mais Tonio en avait trop "gros sur la patate",et le visage tuméfié de "la belette" lui donnait des envies d'éxécution temporaire.



Mais il y avait Gina,maintenant se débrouillant pour tenter de nettoyer le visage de Ricky, comme elle lui susurrait au coin de l'oreille.



Jo décida de s'interposer entre les "amoureux de l'impossible" et Tonio qui donnait l'impression d'être entré en transe tant la tension était à son paroxysme.



Mais il fallait avancer...et Jo pris sur lui d'éloigner Gina, LA Gina , SA Gina car nul ne le savait sauf lui ,il en était éperdument amoureux depuis toujours.



A peine eut-il écarté la belle que Tonio,qui aurait d'abord voulu que cela dure un peu,s'évertuait à viser juste entre les deux yeux de la belette avec son arme....



La détonation s'amplifia à l'ouverture de la porte du local par Riton lui-même....



Il plissa les yeux devant Jo qui tenait par les bras Gina et devant la secousse presque orgasmique qu'eut Tonio lorsqu'il vit la tête de la belette se penchée vers l'arrière avant que tout son corps ne tombe de la chaise....



Des explications,il allait falloir en avoir pour chacun d'entre eux....y compris Gina!!!

Gina était effondrée. Elle essayait de crier, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Les larmes roulaient sur ses joues, et sur les épaules de Jo-la-Béquille.

« - Tonio ! On t’a déjà dit de ne pas faire de grabuge devant les dames. »

Les paroles de Riton étaient les premières à venir briser le silence qui suivait l’accidenti survenu à la Belette.

Alors que Jo, qui soutenait Gina, passait à côté de Riton pour sortir de la pièce, celui-ci arrêta Jo par le bras :

« - Tu la boucles dans ses appartements, et tu nous retrouves dans mon bureau… vite !
- Si, Capo ! »

Riton n’avait pas quitté Tonio des yeux. Ils se retrouvaient maintenant seuls tous les deux, dans une pièce froide, aussi froide que cadavre de la Belette qui répendait sur le sol.
Après ce bref instant de satisfaction personnelle, Tonio sentait à nouveau la pression monter en lui. Le silence qui s’installait entre son boss et lui le mettait mal à l’aise. Il risqua un petit :

« - Boss, je sais pas ce…
- Tonio ! Tonio ! Tonio ! ttttttt !, l’interrompit Riton en craquant une allumette sur le mur, et en allumant son cigare.
- Tonio, il va falloir qu’on discute tous les deux... »

Le silence s’installa encore quelques instants entre les deux maffieux. Une éternité aux yeux de Tonio. Ayant tiré une ou deux grosses bouffées de son cigare, Riton brisa l’angoisse croissante de son homme de main :

« - Tonio, il faudra bientôt que tu arrêtes de penser avec ce que tu as dans le pantalon, sans quoi tu risques de te retrouver un jour à cours d’argument. Tu as manqué de respect envers ma nièce, Tonio ! Toujours pressé d’en découdre comme ta Grand’mère… paix à son âme. »

Riton s’était détaché de la porte, et fit le tour du clamsé, pour s’approcher de Tonio. Puis posant une main ferme sur son épaule :

« - Ne me déçois pas encore une fois dans la journée ! Lourde-moi ce cador chez l’Irlandais, et démerde-toi pour que la Maison Poulaga tombe dessus très vite. Ensuite tu te radines illico dans mon bureau. Et par pitié, laisse ton soufflant au repos sur ce coup-là ! »



Quelques minutes plus tard, Riton entra dans son bureau. Tonio mis à part, ils étaient tous là. Le Frenchie, Mattéo Belle-Gueule, Jojo-la-Béquille.
Le soleil commençait à pointer à l’horizon, par-delà le port et le Lac. Le moment était venu pour le Gang de faire un peu le point.

Riton voulait d'abord évoquer le presque fiasco de l'opération rhum.

-"Alors???" eut-il juste dit..

Jo pris le premier la parole,conscient qu'il était d'avoir failli à une de ces missions,à savoir le recrutement !!

-"Je sais pas boss...pourtant,comme d'hab',je me suis fourni chez ROSARIO,et il me semblait sur de lui..."



A voir le visage de Riton, Jo devinait que cette excuse ne lui suffirait certainement pas..

-"On verra pour Rosario...on verra" dit Riton en tirant séchement sur son Havane !!



Mattéo,lui,s'éloignait un peu du groupe,d'autant qu'il n'avait rien à se reprocher,enfin,à ses yeux en tout cas,car pour Riton , tous étaient responsables à leur niveau...



-"Et qui a eu cette idée révoltante de massacrer la belette devant Gina??"

Là,ça se compliquait,car faire comprendre à Riton que sa nièce était
entrée sans qu'on ne lui propose,et de savoir les propos tenus envers
la belette,ça ferait beaucoup à supporter.



Jo,qui se sentait encore une fois concerné, dit à Riton:

-"On ne pensait pas qu'elle serait là Boss...et puis...on a
l'impression qu'elle attendait notre retour...enfin,si tu vois ce que
je veux dire??"..la voix se faisait tremblante...



Riton promis de voir cela avec Gina. Et déjà Tonio s'en revenait de chez les irlandais...son visage était blême....

"- c'est fait, Boss" dit Tonio en glissant dans la pièce tel un lézard entre deux tuiles chauffées au soleil.
"- Tu tombes pile, le Balaffré ! On allait passer aux choses sérieuses." Riton la Fouine n'avait jamais porté aussi bien son nom. Son regard inquisiteur mit mal à l'aise tous les membres du Gang présent.
Il ajouta :
"- Je me fous de vos excuses. Tout ce qui m'importe maintenant c'est que le deal ne tombe pas dans la pogne de l'Irlandais... trop juteux pour laisser filer l'affaire ! Vous proposez quoi ?"
C'est le Frenchie qui prit la parole le premier. Il savait que Riton ne pouvait que lui être reconnaissant de sa vivacité d'esprit pour avoir éviter le passage aux Douanes :
"- De mon côté, rien n'est grillé pour l'instant. Les gars des docks sont toujours prêts à bosser pour nous, dans les mêmes conditions, j'imagine... Maintenant il faudrait quand même tâcher de les rassurer un poil. Quelques biftons à caser aux bonnes personnes, et ça devrait passer..."
"- Si besoin est, j'ai une ou deux pouffs à tester avant de les mettre en circulation". La remarque de Mattéo-Belle-Gueule, pour sincère qu'elle était, eu le don de dérider un minimum l'atmosphère... en tout cas temporairement.

La bouteille de Jack Daniel's fut la première victime de ce réchauffement climatique. Riton se leva et remplit à moitié les 5 verres qui étaient préparés sur son bureau depuis la veille au soir.

"- Ca tombe bien que tu la ramènes, Fils", enchaîna Riton. "Toi et La Béquille n'étiez pas sensés resté à l'Evêché pour préparer l'arrivée du convoi ? Vous avez désobeilli à mes consignes !"
"- Mais Patr..."
"- Bien vous en a pris... Cette fois-ci !"

"- Autre chose... je veux savoir comment les Irlandais ont pu être sur le coup, et nous doubler aussi facilement. Qui a pu vendre la mêche ? Rosario ne pouvait pas savoir... il a juste fournit la main d'oeuvre - avariée, d'ailleurs ! Tonio, il faudra aussi envoyer des fleurs à sa Mama après la discussion que tu vas avoir avec lui."

Tous se regardaient, et avaient en tête l'entrée inoppinée de Gina dans le "Bureau des Investigations". Gina ? La Taupe ?? Le doute était dans tous les esprits. Après tout, on n'avait jamais eu la preuve qu'elle était bien la nièce du Boss... et quand bien même ! Serait-elle capable de vendre la Famille ? Il allait bien falloir mettre le sujet sur le tapis. Mais quand Tonio le Balafré ouvrit la bouche pour lancé le sujet, Riton qui avait poursuivit sa réflexion sur les Irlandais lui coupa l'herbe sous le pied :

"- A propos Tonio... La Belette ?"
"- Là aussi, problème, Patron. J'avais en tête de bazarder la Belette dans le secteur irlandais, au Nord-Ouest de Goose Island, après les entrepôts... après tout, en se taillant, Jo et Mattéo ont laissé toutes les traces dans cette direction... ça aurait pu mener la volaille tout droit vers O'Sullivan. Mais entre temps, tout le secteur était bouclé. J'ai été obligé de le virer au coin de Madisson Street et de Woodrard Drive, près du parc. Avec sa balle entre les yeux, il ne pouvait plus aller bien loin... heuheu !... hum!... Ils mettront pas longtemps à le récupérer. Avec un peu de chance, ils pencheront pour un réglement de comptes entre Rouquins... maios de là à faire le lien avec l'affaire des docks et en faire porter le chapeau aux Irlandais, y a un fossé, Boss !"
"- Par contre, Patron... hum !" Tonio avançait ses billes lentement, comme en terrain miné. " Il y a autre chose que je voulais vous dire..."

Le visage fermé et anxieux de Tonio en disait long sur la difficulté de dire ce qu'il souhaitait à Riton. Il se lança pourtant:
-"En remontant Woodrard Drive,j'ai eu l'impression d'être suivi...alors j'ai ralenti,et la voiture m'a doublé.."
-" Et alors",coupa séchement Riton dont la patience était plus
qu'éprouvée depuis plusieurs heures maintenant..."Pourquoi me raconte
tu tes sornettes sur la circulation??"
Son intervention eu le résultat escompté...Tonio enchaina sans retenue maintenant son récit.

-"Dans la voiture,Boss,j'ai reconnu Emilio Santinario,et à sa droite,il me semble avoir reconnu l'inspecteur Eastman..."

Le silence qui s'en suivit devint lourd...de ces silences qui annoncent un vent violent,prémice de grave tempête !!
Emilio,le "petit ami" ,légitime aux yeux de Tonio en tout cas,de sa nièce Gina...et avec Eastman,celui qui a juré sur la tombe de nombre de ses collègues "nettoyés" par la Famille,de se venger de celle-ci...à commencer par Tonio.

Emilio,aurait donc pu soudoyer Gina,et lui présenter la belette dont elle serait tomber amoureuse??

Mais quelque chose ne tenait pas la route; si Eastman était au
courant,les flics auraient envahi les docks,et pourquoi la belette
serait partie vers les douanes plutot que les bureaux de la
police,pourtant situés à moins de 1 mile???

A moins que...

A moins que Eastman ne veuille lancer une guerre qui pourrait détruire la Familia et les irlandais par la même occasion...

Et il n'y avait qu'une raison pour faire cela: prendre le contrôle de Chicago ! Ainsi donc l'inspecteur aurait décidé finalement d'avoir tout le gâteau au lieu de se contenter d'une part ?!

Or Riton le savait, tout homme peut être acheté, la seule question qui se pose étant la taille de la malette... Mais jamais il n'aurait imaginé qu'un petit flicaillon puisse avoir assez de couilles pour monter un tel plan ! Et il fallait en avoir dans le pantalon pour se frotter à la Familia, et s'en tirer sans égratignure...

Mais les rides qui plissaient le front de Riton s'effacèrent soudain et son visage se fendit d'un petit sourire en coin, le genre de sourire qui vous glace le sang lorsque vous êtes assis en face sur une chaise et les mains attachées dans le dos...

Tonio reprit espoir. Il ne connaissait que trop bien cette expression. Avant peu son opinel reprendrait du service et ses instincts seraient calmés...

Les deux hommes se comprenaient sans parler. Personne n'était au courant de ce qu'avait vu Tonio. La Santa Madonne était avec eux, et s'ils la jouaient fine, ils pouvaient retirer beaucoup de cette affaire. Mais il leur fallait un plan. Le contrôle du rhum, une vendetta sur les irlandais et les "incorruptibles", tout cela n'était pas chose aisée, malgré l'avantage qu'ils venaient d'obtenir par un coup du sort.

Il était temps de réunir le K.S.T et d'organiser une contre-attaque qui resterait dans les annales...